Mission des Oblates de l’Assomption en terres amazoniennes

Textes et photos recueillis par Sr Marisa HIPOLITA DUARTE pour la revue « l’Assomption et ses œuvres »
Article paru dans le n°759 octobre-novembre-décembre 2019

« L’Eglise en Amazonie ne s’est jamais découragée de sa mission. Elle a toujours compté sur le travail des missionnaires venus de diverses régions du pays et du monde. En vivant la mystique de l’amour et du service, ils se sont dévoués pour que les peuples Amazoniens ne reçoivent pas seulement une orientation adéquate pour vivre leur foi, mais aussi qu’ils soient respectés dans leurs droits, leur dignité, citoyenneté, traditions et cultures. »


Cet extrait de la lettre de la première rencontre de l’Eglise Catholique en Amazonie, traduit la physionomie et l’esprit qui animent les Sœurs Oblates de l’Assomption présentes en Amazonie depuis presque 30 ans ! Dans ce partage, les Sœurs nous disent comment elles vivent les défis pastoraux et sociaux auprès des peuples Amazoniens, mais aussi leur joie de vivre l’Évangile et la certitude que « Jésus-Christ nous envoie vers l’Amazonie ».

Départ et début de la Mission en Amazonie

Ayant reçu comme héritage précieux le « charisme » laissé par notre Fondateur le Père Emmanuel d’Alzon et notre co-fondatrice Mère Emmanuel-Marie Correnson, nous sommes invitées à être des instruments du Royaume, en particulier parmi les plus démunis dans les périphéries et là où peu de personnes veulent aller. En réponse à l’appel de la CNBB (Conférence Nationale des Evêques du Brésil) pour qui comprend que « l’Etat de l’Amazonie est une terre dont l’évangélisation demande à être assumée par tous », nous, les Sœurs Oblates de l’Assomption, avons décidé de « planter nos tentes » dans ce sol amazonien !
Tout d’abord, en février 1993, dans une petite ville appelée Tapauá au milieu de la forêt, et neuf ans plus tard, dans la grande métropole Manaus, au cœur d’un quartier périphérique, Rio Piorini, (région de la Mission Sainte-Hélène).

Au cœur de la forêt Amazonienne

Quand nous sommes arrivées à TAPAUA pour la nouvelle implantation, notre petite Communauté, composée de trois Sœurs, a été impressionnée par la magnificence et la grandeur de cet État, avec la beauté de l’immense forêt tropicale, la rencontre des eaux du Rio Negro et du Rio Solimões véritable spectacle aux yeux de ceux qui arrivent, et surtout par l’accueil de ce peuple, joyeux, festif et chaleureux.
Sachant que chaque État du Brésil a ses spécificités et que l’Amazonie, par son immense étendue, est unique et très différente des autres États de la fédération brésilienne, nous avons décidé d’observer et d’apprendre avant tout.
C’est dans cet enthousiasme, sans nous soucier des plaisanteries dues à cet apprentissage souvent maladroit, que nous avons continué à faire route afin de surmonter les divers défis de la mission. Monter dans les pirogues sans faire de mouvements brusques pour ne pas nous laisser submerger par l’eau des rivières. Naviguer pendant des heures dans les petites pirogues motorisées pour atteindre les communautés indigènes et riveraines. Traverser des ponts étroits au-dessus de la grande rivière. Marcher pendant des heures dans la forêt et écouter des histoires sur la présence de jaguars et des variétés de serpents présents sur place (avec la bonne intention de nous faire peur, je pense), et aussi faire face aux douloureuses piqûres de pium, meruim, mutuca, carapanã, … sans faire des grimaces de douleur, parce que la population locale les subit elle aussi… Finalement, de tous ces apprentissages, le plus important est l’expérience vécue avec cet admirable peuple qui connaît le fleuve et la forêt comme nul autre. Toutes ces expériences nous ont aidées à mûrir dans la foi et la confiance en Dieu qui ne nous abandonne jamais dans la mission qu’il nous confie.

Une Eglise vivante et dynamique !

En lien avec l’apprentissage, nous associons le service qui nous a été demandé auprès du peuple de Tapauá-AM, à la lutte pour la dignité et la vie, où le Royaume de Dieu est menacé sous différentes formes. Nous avons commencé notre apostolat dans plusieurs domaines : la santé, l’éducation, la formation des dirigeants riverains, la présence parmi les peuples indiens, dans les secteurs sociaux avec la pastorale de l’enfant et les conseils des droits et de la citoyenneté. Cette mission qui nous a été confiée à Tapauá depuis le début, nous la continuons encore aujourd’hui. Malgré le fait de ne plus faire partie du CIMI (Conseil indigène missionnaire), nous soutenons toujours le travail pour la défense de la vie des peuples indigènes menacée dans le passé et encore aujourd’hui. Être à côté des plus petits et défendre la vie dans sa plénitude a été la raison qui a mené Jésus à donner sa propre vie. POUR NOUS qui nous proclamons « chrétiens » CELA NE POURRAIT PAS ETRE AUTREMENT.

En collaboration avec l’Ordre des Augustins Récollets, nous cherchons à être une présence qui anime le peuple de Dieu. Vivant les valeurs et les lignes directrices du Royaume et les orientations de la prélature apostolique, en tant que communauté ecclésiale, nous faisons l’expérience de cette poussée de l’Église bien traduite les paroles du P. Miguel Angel SORET (OAR) dans l’interview à la radio du Diocèse : « L’Eglise au Brésil, la prélature et les paroisses depuis des décennies « sentent l’odeur des brebis », sont avec le peuple, elle n’est pas une « Eglise de sacristie ». Nous accompagnons la vie humaine dès la gestation, la croissance des enfants par le baptême, la pastorale des enfants, des jeunes, de la famille, les indiens, les paysans, les malades, les prisonniers, les anciens, la médecine naturelle, la communication, les équipes de liturgie, les ministres de la Parole, etc. Comme Congrégation, les Oblates de l’Assomption ont offert à l’Amazonie un projet social qui lui est propre ainsi depuis 2013 nous avons le LACIR (Maison de l’Enfant et de l’Adolescent Sœur Rose). Avec ce projet nous cherchons à « accueillir et à accompagner les enfants et les adolescents en situation de risque, qui se trouvent avec les liens familiaux rompus ou fragilisés ». Il s’agit d’une maison d’accueil.
Tout le travail est réalisé grâce à la collaboration des laïcs engagés, membres indispensables de l’Église : « Les personnes simples, qui font de petites choses, dans des endroits peu importants, réalisent des changements extraordinaires ». (Pensée africaine – Mgr. Moacyr Grechi)

Comment les Sœurs arrivent-elles chez les familles riveraines ?

Les routes de l’Amazonie étant généralement des fleuves, nous faisons nos visites avec le bateau de la paroisse Santa Rita. Comme les voyages sont assez longs, le bateau devient notre maison pour plusieurs jours, car pendant la période des visites nous y dormons, faisons la cuisine, etc. Ainsi nous naviguons en descendant et en remontant les fleuves Ipixuna et Purus. De cette manière, jour après jour, nous célébrons la Parole de Dieu, en partageant la vie, la foi, les joies, les espérances, les angoisses et les tristesses de ce peuple qui ne perd jamais l’espoir dans le Dieu de la vie.

De l’intérieur de la forêt à la capitale Manaus

Neuf ans après notre arrivée à Tapauá, malgré le nombre réduit de Sœurs, en 2002, nous avons ouvert une deuxième Communauté à la périphérie de Manaus, capitale du vaste État de l’Amazonas, avec pour but principal, d’être un soutien pour la communauté Tapauá.
Comme toujours, depuis le début de notre fondation, pour ouvrir une Communauté, nous cherchons à suivre le désir exprimé par notre fondateur : ETRE AU SERVICE DES PLUS PETITS ET DEFAVORISES DE CE MONDE.
La Communauté de Manaus est également engagée dans le suivi et l’animation des communautés de base, les pastorales, la formation des dirigeants dans des projets sociaux, médicaments naturels et tout ce qui est nécessaire pour l’Église locale. Nous travaillons en étroite collaboration avec les Pères diocésains et deux autres Congrégations féminines.

Une mission qui n’a jamais de fin …

Les Oblates de l’Assomption sont présentes en Amazonie depuis 26 ans ! Plusieurs années de dévouement en terres amazoniennes, dans cet immense État convoité par beaucoup de monde. État de grandes richesses, mais qui ne parvient pas à nourrir et faire vivre d’une manière digne ceux qui devraient être les vrais bénéficiaires de toute cette richesse…
Quand nous rendons visite aux communautés riveraines, nous voyons des enfants avec des vêtements très pauvres, des familles qui vivent chaque jour une lutte inlassable pour survivre, pour avoir accès à l’éducation, à la santé, à la nourriture au moins trois fois par jour, à l’eau potable … un peuple qui souffre à cause des inégalités et des injustices, mais qui ne perd pas la Foi, la joie, l’espérance.
Et nous, religieuses, religieux, évêques, essayons d’être cette présence discrète, faisant des laïcs des protagonistes. Marchons ensemble afin d’être cette Église, comme disait Mgr. VITAL CORBELLINI, Évêque de Marabá (PA):
« L’Église cherche à être un instrument du Royaume de Dieu vivant dans ce monde si déchiré par des intérêts qui ne sont pas ceux de l’Évangile. Elle dénonce les péchés de la cupidité des terres, la priorité des biens économiques sur ceux qui sont humains et divins. Elle doit aussi toujours se convertir au Seigneur, le Berger des bergers, et entendre les cris de ceux qui souffrent et des pauvres de la société.
Elle ne s’arrêtera jamais de parler face aux injustices commises contre les peuples indiens et les riverains. Nous sommes, en Amazonie, le poumon du monde, où le Christ pointe vers l’Amazonie, comme disait Saint Paul VI et où le Royaume de Dieu grandira avec notre participation. La mission de l’Église est de bien vivre cette période du Synode, inciter les gens à prier pour le Synode et pour que les débats tiennent compte des indiens, des pauvres… et notre participation en tant qu’Eglise est de suivre le Christ, chemin, vérité et vie ».

Pourquoi un Synode sur l’Amazonie ?

Avec le thème : « Amazonie : Nouveaux Chemins pour l’Église et pour une Écologie Intégrale », le Synode sur l’Amazonie est une réponse du Pape François à la réalité de la Pan-Amazonie. L’objectif principal est d’identifier de nouveaux chemins pour l’évangélisation, en particulier des indigènes souvent oubliés et sans perspectives d’avenir, mais aussi à cause de la déforestation amazonienne, poumon d’importance capitale pour notre planète (fournit 20% de l’oxygène de la planète).
Un Synode pour CONNAITRE la richesse de la biodiversité, des savoirs, des différents peuples amazoniens, tout particulièrement les indigènes ;
Un Synode pour RECONNAITRE les luttes et résistances des peuples amazoniens pour défendre la forêt et ses ressources naturelles ;
Un Synode pour VIVRE AVEC l’Amazonie, avec la manière de vivre de ses peuples, le partage, le mode de vie non capitaliste.
Un Synode pour DEFENDRE l’Amazonie, sa biodiversité, ses peuples menacés, expulsés de leurs terres, torturés et assassinés, humiliés par les grands de l’agro-industrie.

Comment l’Église et votre communauté religieuse s’impliquent-elles dans la préparation du Synode ?

Chaque diocèse, paroisse, communauté religieuse, communauté de base a organisé et participé depuis le début de l’année à diverses activités. De nombreux séminaires, rencontres, groupes de réflexion et de formation ont été tenus pour que tous puissent se préparer à travers une connaissance de plus en plus approfondie de la réalité, en écoutant les cris des populations amazoniennes et surtout en priant pour que le Synode soit conduit en transparence et en accord avec les chemins que Dieu nous demande de suivre aujourd’hui. Nous prions pour la vie et la mission dans cette grande région porteuse d’une immense beauté, mais aussi marquée par la douleur et la souffrance.

De quel visage parlait le Pape François quand il disait : « le visage amazonien de l’Église » ?

Une des plus belles richesses que nous présente l’Amazonie est son multiple visage. Le visage amazonien de l’Église est un visage multiforme. Multiforme de par le nombre de peuples indigènes, par la présence de nombreuses communautés quilombolas créées par des esclaves africains réfugiés dans la forêt pour fuir l’esclavage, par les riverains, les agriculteurs. Le visage amazonien est aussi celui d’une région qui s’est urbanisée très rapidement avec de nombreuses périphéries et surtout beaucoup de pauvreté. Nous ne pouvons pas oublier les savoirs ancestraux des peuples indigènes ou des femmes et des hommes de la forêt, les traditions de ces peuples. Tous ces visages font la richesse de l’Église amazonienne.

Comment écouter le cri et accueillir l’appel des peuples amazoniens ?

Le défi posé à l’Église est immense !
Comme nous le savons, l’Amazonie est formée de neuf pays de la Pan-Amazonie : la Colombie, le Pérou, le Venezuela, l’Equateur, la Bolivie, la Guyane britannique, la Guyane française, le Suriname et le Brésil. Chacun de ces pays a sa réalité, ses défis et perspectives. Ils représentent presque 8 millions de Km2 !

Le Synode va devoir faire face, entre autres, à deux difficultés : la diversité et les distances. L’Amazonie est multiple, multiethnique, multiculturelle, « multi tout ». Il existe plus de 390 peuples indigènes sans compter la centaine d’ethnies avec lesquelles il n’existe aucun contact et qui préfèrent vivre isolées. En Amazonie vivent plus de 3 millions d’indigènes.

Les distances sont énormes d’une communauté à l’autre. Parfois il nous faut une semaine de voyage en bateau pour y arriver. Une des conséquences est que la majorité des communautés indigènes ne bénéficie pas d’une célébration eucharistique hebdomadaire. Il y a des communautés où le prêtre passe une fois par an. Voilà donc pourquoi le Pape François invite le synode à réfléchir et à promouvoir l’ordination du clergé indigène né sur le territoire, afin que le peuple de Dieu se sente plus proche de l’Eucharistie.

« Si l’Amazonie souffre, le monde souffre »

Cette affirmation des évêques du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) dans leur message publié au moment où de « terribles incendies » touchaient particulièrement l’Amazonie est très réaliste, car si l’Amazonie brûle, nos cœurs brûlent !
Chaque année nous constatons une grande déforestation et l’augmentation des incendies destructeurs mais, d’après les spécialistes, les chiffres cette année sont sans précédents. Et ce qui nous rend tristes et très préoccupées c’est le manque d’intérêt et d’action de la part du gouvernement. Souvent considérée « comme le poumon de la planète », ces derniers temps, l’Amazonie est devenue davantage le centre d’intérêt personnel de plusieurs grands ambitieux. Les incendies, les déforestations, le processus de nettoyage et le désir de vider les terrains stratégiques de grand intérêt économique, convoités par des entreprises nationales et internationales, ont des conséquences directes sur la santé des populations, et malheureusement, l’intérêt personnel de certains passe avant le bien commun.

Toutes ces réalités nous montrent qu’il y a encore beaucoup à faire !
Nous faisons confiance à l’Esprit de Dieu, à l’Esprit Saint pour qu’il nous mène sur des chemins d’espérance et de paix. Nous sommes très reconnaissantes à Dieu pour ces nombreuses années de mission vécues dans les terres amazoniennes et nous voulons continuer à y vivre. Pour nous, c’est une expérience enrichissante de donner-recevoir, qui nous pousse à raviver chaque jour le zèle missionnaire, qui nous a animées et qui a été cultivé en nous depuis la venue des premières Oblates.

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