Un type d’aide humanitaire dans l’Est de la R.D. Congo : Une assistance qui masque et entretient l’injustice

Depuis plus de vingt ans, « le cris muet des collines »[1] se fait entendre dans l’Est de la République Démocratique du Congo, une région très riche en ressources minières, mais dont le peuple est très pauvre malgré lui. Trois provinces sont particulièrement touchées et concernées : les deux provinces du Nord et du Sud-Kivu et la Province de l’Ituri. Ces provinces partagent de communes frontières avec le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda. La région est pourtant si belle et si impressionnante de par sa biodiversité, ses collines et montagnes, ses volcans et lacs, etc. Cependant, comme l’a souligné le Pape François lors de sa visite apostolique en R.D. Congo, « si la géographie de ce poumon vert est riche et variée, l’histoire n’a pas été aussi généreuse. Tourmentée par la guerre, la R.D. Congo continue de subir à l’intérieur de ses frontières des conflits et des migrations forcées, et à souffrir de terribles formes d’exploitation, indignes de l’homme et de la création. Ce pays immense et plein de vie, ce diaphragme de l’Afrique, frappé par la violence comme par un coup de poing dans l’estomac, semble depuis longtemps avoir perdu son souffle »[2].

L’instabilité de la région, qui cause la mort à des êtres humains aussi nombreux que les victimes du génocide rwandais, s’explique par un « paradoxe de l’abondance »[3] et une « malédiction des ressources »[4] minières, selon les expressions de la politologue américaine Terry Lynn Karl et de l’économiste britannique Richard Auty. On y assiste à une théorisation économique de la guerre et de la violence qui crée le marché d’écoulement d’armes et favorise le pillage institutionnalisé de la R.D. Congo. Dans ce contexte, la dénonciation du Pape Benoît XVI reste d’actualité : « Il y a les pays du monde industrialisé, qui tirent de gros profits de cette vente d’armes, et il y a des oligarchies dominantes en de nombreux pays pauvres, qui veulent renforcer leur position par l’achat d’armes toujours plus sophistiquées »[5].

Une représentation théologique de la situation nous met en face de l’image de Dieu défiguré dans les victimes et de son cœur transpercé par la guerre. Cela attire la compassion de plusieurs personnes. La Communauté Internationale, à ‘‘sa manière’’, y répond par l’aide humanitaire – et l’appui des ‘‘casques bleus’’ – qui garde son importance en tant qu’intervention d’urgence. Néanmoins, elle provoque et dissimule un questionnement de fond : plutôt que d’assister les victimes – cela fait maintenant plus de vingt ans –, pourquoi ne pas les libérer ? À quoi sert-il de donner des moustiquaires imprégnées à des milliers des réfugiés sans abri ? Jusqu’à quand cela va-t-il encore durer ? Cette manière de s’occuper des effets au lieu de la cause est une assistance qui masque et entretient l’injustice. Si « le cri muet des collines dans l’Est du Congo » interpelle le ‘‘silence honteux’’ de la Communauté Internationale, il est plus qu’urgent de passer d’une simple assistance à une libération intégrale du peuple congolais.

Alexis Valyamugheni, a.a


[1] Nous reprenons ici le titre de l’ouvrage : Colette Braeckman (éd.), Le Cri muet des collines dans l’Est du Congo. La guerre tourne en boucle, Couleur livres, Bruxelles, 2022.

[2] Discours du Saint-Père lors de sa rencontre avec les autorités, les représentants de la société civile et le corps diplomatique en R.D. Congo, le 31 janvier 2023.

[3] Lire K. Terry Lynn, The paradox of Plenty : Oil Booms and Petro-States, University of California Press, Berkeley, 1997.

[4] Lire R. M. Auty, Sustaining development in mineral economies: The resource curse thesis, Routledge, Londres, 1993.

[5]  Benoît XVI, Message pour la Journée Mondiale de la paix, in DC, 2008, 2.

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