Bonjour,
Je m’appelle sr Dominique, Oblates de l’Assomption, en Belgique.
Je travaille comme assistante sociale dans un service de première ligne, dans lequel j’ai l’occasion de rencontrer de nombreux migrants.
Certains ont déjà reçu un titre de séjour et sont installés en Belgique depuis plusieurs années, mais continue à avoir des difficultés avec les démarches administratives.
D’autres ont reçu une réponse négative à leur demande de séjour et vive dans l’illégalité, parfois depuis de nombreuses années aussi.
On m’a demandé de témoigner de l’actualité que je rencontre. Je vais donc parler aujourd’hui de la récente grève de la faim qu’ont fait quelques 400 migrants sans papiers afin d’obtenir un titre de séjour. Tous espèrent une régularisation collective. En effet la Belgique a déjà fait 2 campagnes de régularisation collective. Une première a eu lieu en 1999-2000 et la deuxième en 2009. De nombreux migrants espéraient qu’une nouvelle régularisation collective aurait lieu en 2019-2020 mais rien n’est arrivé au programme du gouvernement.
Ceux que j’ai rencontrés étaient des migrants marocains qui avaient été déboutés à plusieurs reprises mais qui vivaient depuis plus de 10 ans en situation irrégulière, comme la plupart des grévistes présents originaire du Maroc ou de l’Algérie. En effet, ces étrangers sont rarement admissibles à la Protection Internationale car venant d’un pays dit « sûr ». Ils sont considérés comme des migrants économiques.
Ces migrants ont occupé l’Eglise du Béguinage et les locaux d’université bruxelloise. La grève a commencé le 23 mai 2021 après 4 mois d’occupation des locaux et de négociations n’ayant rien donné. Certains ont fait la grève de la faim, d’autre de la faim et de la soif. En juillet la situation est devenue critique pour plusieurs migrants. Plusieurs ont dû être hospitalisés. Certains en garderont des séquelles irréversibles. C’est le cas de Mohamed (nom générique) qui est venu me voir.
La question que je me pose toujours est « Qu’est-ce qui pousse ces migrants à vouloir un séjour en Europe au point de mettre leur vie en danger plutôt que de retourner dans leur pays d’origine ? Qu’ont-ils vécus pour en arriver là ? ou que va-t-il leur arriver s’ils retournent ? ».
Abdel qui a été expulsé au Maroc après 10 ans de présence en Belgique, et avec qui j’ai pu garder quelques contacts au début de son retour forcé me disait : En Belgique, même sans papiers, j’étais sûr d’avoir chaque jour à manger. Aujourd’hui, je suis dans mon pays, j’ai des papiers, mais je n’ai rien. Le pays ne s’occupe pas de nous. Peut-être est-ce une piste de réponse. Sans doute pas la seule.
Le 21 juillet, la grève de la faim a cessé, suite à une communication du gouvernement. Mais pas de régularisation collective. Juste l’assurance que leur dossier sera réexaminé une fois de plus. Une lueur d’espoir pour Fatima qui s’accroche à l’idée que le gouvernement belge va lui donner un séjour car elle faisait partie des grévistes et qui cours dans tous les sens pour rassembler ses preuves car le dossier doit être remis dans un court délais.
Chacun des dossiers doit à présent être étudié par l’office des étrangers. Les règles seront-elles légèrement infléchies ? Pas sûr quand le ministre de l’immigration déclare que la grève de la faim est une forme de chantage auquel il ne cèdera pas. Mais pour ces migrants, une petite flamme a été allumée.
Photo: Sans papiers devant l’Eglise du Béguinage