Nous sommes le 29 novembre 2016. Il est à peine 14h 10’. Sœur Clara est dans son bureau à la paroisse Mater Dei. Elle encadre des jeunes filles avec des cours de rattrapage. Ces filles qui n’ont pas eu la chance de bénéficier dès leur jeune âge de la gratuité de l’enseignement primaire.
Ces filles qui ont raté l’école à cause des travaux ménagers parfois obligatoires, ces filles que parfois la coutume a interdit d’aller à l’école, ces filles qui n’ont jamais eu quelqu’un pour les envoyer en classe, bref ces filles avec leur passé difficile, chargé et qu’on ne doit pas juger car nous sommes complices de leur sort. Clara se bat pour qu’elles étudient et accèdent au savoir, une importante clé de réussite dans leur vie. Voilà comment se prépare la revendication de la parité, voilà comment on devient héros dans l’ombre !
Depuis 4 ans, le Centre Madeleine qui encadre ces filles délivre des certificats de fin d’études primaire et donc par miracle ces filles peuvent faire l’école secondaire et évoluer comme les autres. Elles sont là pour certaines à hurler leur colère et on dirait qu’on leur a arraché un morceau de leur vie ! Clara a été assassinée presque devant elles. Elle est morte en pleine exercice de sa fonction.
Le criminel est arrivé en plein jour. Il a dit venir voir la religieuse pour une inscription à l’école. Quoi de plus normal ? La sentinelle l’a laissé entrer mais quelques minutes après, on a entendu un cri. Pressé de vérifier, le même homme sortait du bureau en fuyant. Aperçu, il a été neutralisé quelques minutes plus tard et c’est après qu’on découvrira Clara gisant par terre avec le couteau encore bien plongé dans son cou. Elle respire encore. Des jeunes gens la tirent croyant qu’elle survivra de ses blessures. Le seul moyen de transport une moto, et Clara achèvera sa course quelques minutes plus tard devant le Centre de Santé sans avoir eu la chance d’être sauvée. Elle était décédée. Elle aimait son métier, ses filles, sa vocation. A 40 ans cette vraie actrice des droits de la femme est partie… Elle s’ajoute à la longue liste des défenseurs des droits de l’homme décapités dans cette province.
D’où nous vient cette culture d’égorger des gens ? Plonger les couteaux dans les cous des femmes, des religieuses et en plein jour ? Un mode opératoire nouveau probablement avec des maîtres au milieu de nous. On doit exorciser des telles pratiques.
La Population de la ville de Bukavu et particulièrement celle de la Paroisse de Mater Dei s’interroge et veut des explications !
Elle s’interroge :
– sur la dégradation continue de la situation sécuritaire à la veille des échéances électorales en RDC !
– sur la recrudescence de la violence et des attaques nocturnes et journalières des paisibles citoyens dans une ville où militaires et policiers pullulent et sont visibles partout et à toutes les heures dans les rues et les avenues armés jusqu’aux dents !
– sur la circulation paisible, au vu et au su de tout le monde, des individus visiblement dangereux, parfois de personnes déjà condamnées et censées purger leur peine en prison, parfois des drogués qui jonchent les rues, parfois même des détraqués mentaux armés qui attaquent des passant sous le regard rieur même des agents de l’ordre !
– sur la prolifération des maisons de vente des boissons fortement alcoolisés (Kafanya mbio, Power7, Kitoko, etc.) où se droguent des journées et des nuits entières des individus avides du crime !
Ajouter à ce décor, la fermeture sans explication des Coopératives et banques qui bouffent sans vergogne les épargnes de petites gens et la précarité généralisée avec les jeunes sans emploi.
Voilà le vivier qui produit ces monstres ambulants que la mort mène paitre dans nos rues.
En temps normal, quelqu’un devrait assumer ce lourd bilan. Elle veut des explications :
– sur la suite des procès des certains présumés auteurs des violences ; d’assassinats crapuleux ; d’atteintes aux biens, à la vie et à l’intégrité physique des personnes qui, ici et là, ont été attrapés et mis à la disposition du pouvoir judiciaire
– sur le mécanisme par lequel, des personnes détenues en prisons, se retrouvent parfois entrain de circuler librement dans les rues et les quartiers et y commettent d’autres infractions.
On se rappellera que même Monseigneur l’Archevêque avait été attaqué chez lui en plein sommeil. Plus d’une année après, le présumé criminel est aux arrêts mais silence radio de la part des autorités sur le pourquoi et le comment d’un tel acte. S’il en a été ainsi de l’arbre vert, qu’en sera-t-il de l’arbre sec ? S’interroge un passant !
Nous sommes à un virage très particulier de l’histoire de notre pays, dans une période de mille enjeux et dangers. On doit rester vigilants et avoir le courage de dénoncer tout individu porteur de la mort qui vit au milieu de nous.
Pour éviter la justice populaire, les autorités judiciaires doivent aller au bout des enquêtes en identifiant les commanditaires et leur réseau pour l’extirper à la racine. On risque d’assister à une audience en flagrance où l’on condamne un criminel et chacun rentre chez soi le regard hagard comme si rien ne s’était passé à Mater Dei !
La Sœur Clara Agano était très philanthropique et généreuse. Son engagement pour l’amélioration des conditions de la femme l’amenait à passer ses journées à éduquer les jeunes femmes et adultes par l’alphabétisation. C’est à son travail que le criminel l’a surprise ! Que tous ceux et toutes celles qui militent pour la cause de la femme trouvent en elle leur inspiration profonde.
Que son Ame repose vraiment en Paix !
Commission diocésaine Justice et Paix Bukavu