Au nord du diocèse de Butembo-Beni à l’Est de la RDC se trouve un coin qui fut comme un paradis les années 70-80, tant il y avait la paix, la vie et l’abondance en nourriture grâce au sol très fertile. La fin des années 90 marque une période sombre qui dure encore suite à l’insécurité causée par des rebelles d’origines diverses. Nous sommes alors saturés des tueries, des maisons incendiées, des viols, des enlèvements, des intimidations, etc…
Dans le massacre qui a eu lieu dernièrement, les rebelles ADF ont kidnappé une maman enceinte avec ses trois enfants après avoir égorgé son mari devant elle. Appelons-la Baraka cette femme que nous avons accueillie au Centre de santé de Mangina. Ses ravisseurs, voyant que ses pieds gonflaient se demandaient ce qui lui arrivait et suivant le conseil d’un parmi eux qui avant compris que ce signe voulait signifier que la femme approchait le jour où elle devait enfanter, ils l’ont renvoyée avec deux de ses enfants mais ils sont restés avec la plus grande qui a 10 ans ! Ce n’est pas par pitié pour elle qu’ils l’ont renvoyée mais par peur d’approcher une femme impure selon leur religion. Baraka a donc foncé dans la brousse ne sachant pas où se diriger, mais Dieu aidant, après une longue marche, elle s’est retrouvée à Mangina. Comme elle était épuisée, démoralisée, il a fallu m’occuper d’elle tout spécialement. Finalement l’enfant est né et elle m’a demandé de lui donner un nom ; j’ai proposé quelques noms de circonstance, celui qui a été retenu c’est » Shukrani » Ce qui veut dire « Merci » ou « Action de grâce » car c’est vraiment un miracle de voir revenir cette maman et ses deux enfants sans que ces ravisseurs leur fassent subir du mal ou même le sort de son mari ! Baraka a quitté l’hôpital et elle est dans une famille d’accueil depuis ce début août 2023. Espérons qu’un jour elle retrouve sa maison et son champ qui les aidait à trouver le nécessaire pour la vie.
Et quel est le sort de sa fille restée avec les rebelles, ô Dieu veille sur elle !
Les déplacés, il y en a heureusement qui sont dans des familles d’accueil. Vive la solidarité ! D’autres bénéficient de l’aide de la Caritas paroissiale, des gestes de partage de la part des Légionnaires de Marie, des charismatiques et d’autres personnes de bonne volonté mais aussi du soutien morale et spirituel que nous pouvons leur apporter. Quand ils sont malades, nous les accueillons et les soignons gratuitement.
Il y en a parmi eux ceux qui viennent chercher un travail journalier, alors certaines sœurs, au lieu de donner ce travail à un habitant de Mangina qui peut avoir d’autres moyens pour se débrouiller, donnent ce travail à un déplacé. C’est un peu de cette manière que nous essayons d’œuvrer à la dignité de chacun dans la fraternité.
Nous prions pour que tous les déplacés puissent trouver une terre, des frères et des sœurs qui les aident à retrouver le goût de la vie et dès que possible, leur milieu où ils aimaient vivre. Nous l’espérons.
Par Sœur Jean Léonarda MUTUME, oblate de l’Assomption.